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Infusion ou café frappé ?
18 décembre 2011

La solitude des grandes villes

Michael Fassbender Hier soir, séance de cinéma à l'UGC Ciné Cité Les Halles. Il n'était pas question de rater Shame, aussi bien pour voir le très beau (et très talentueux) Michael Fassbender que par curiosité pour ce second film de l'artiste vidéaste britannique Steve McQueen. J'ai découvert l'un comme l'autre dans le premier film de McQueen, Hunger, auquel j'ai déjà fait plusieurs références admiratives sur ce blog. Hunger, c'était un choc visuel, un bon crochet dans l'estomac. Les corps, leurs fluides, étaient utilisés comme matière première et filmés comme je l'ai rarement vu. Je suis persuadée qu'un film d'artiste non réalisateur à la base possède une saveur particulière (cf mon billet sur le film Women without men).

Steve McQueen Bref, pour toutes ses raisons, j'avais envie de voir ce que McQueen ferait d'une intrigue basée à nouveau sur le corps, mais sous l'angle de la recherche du plaisir sexuel. Premier étonnement : l'UGC des Halles avait réservé sa salle 1 (l'une des, voire, la plus grande) à ce film. Sans être snob, je ne suis pas sûre que ce soit dans ce cinéma que se pressent les plus ardents cinéphiles de la capitale, or il me semblait que l'exigence de McQueen, et son côté pas vraiment grand public, aurait plutôt séduit un public averti. Etonnement numéro 2 : la salle, sans être comble, était bien remplie. Je me suis tout de même demandé si les spectateurs qui avaient pris du pop corn savaient à quoi s'attendre...

Affiche Shame 1 Plusieurs personnes sont sorties de la salle en cours de film, et cela me conforte dans l'idée que le film n'a pas forcément été vendu pour ce qu'il était. A cet égard, le choix de l'affiche est intéressant : un torse d'homme, à moitié couvert d'un drap bleu satiné, et une main qui s'égare vers le bas ventre. Je pense que pas mal de gens ont été attiré par deux choses : le nom - et la plastique - de Michael Fassbender, étoile montante du cinéma ces dernières années, et la promesse de nudité et de scènes de sexe du film.

Est-ce qu'en son temps, Hunger aurait eu les honneurs de la plus grande salle de l'UGC, sur le sujet aride d'un prisonnier qui entame une grève de la faim ? J'en doute !

Affiche Shame 2 En fouillant sur le web, je suis tombée sur l'une des premières affiches du film, moins vendeuse mais beaucoup plus proche de l'esprit du film : une main d'homme, doigts écartés, sur une vitre embuée qui reflète la grisaille et les gratte-ciel d'une grande ville. Ca pourrait être le relâchement de la jouissance, mais on pense plutôt à un appel au secours désespéré, celui d'un homme qui est en train de tomber à terre et qui ne trouve en tout et pour tout que gris et métal pour répondant.

Car, dans le fond, c'est cela l'histoire de Shame : certes, Michael F. y est beau, et le réalisateur l'exhibe sous toutes les coutures. Mais ce n'est pas cela, le film : c'est un drogué qui ne peut se passer de sa dope, incapable de nouer une relation d'intimité avec quiconque, même pas sa propre soeur. S'il n'a pas une personnalité très intéressante, il est irrésistiblement séduisant... Jusqu'au moment où son regard se fait trouble et là, il devient franchement inquiétant. Dans une scène au paroxysme du film, il couche avec deux femmes et la caméra s'attarde sur son visage, on sent qu'il cherche une délivrance qu'il ne trouve pas, la musique se fait assourdissante, le flou se fait sur deux trous sombres et un rictus grimaçant, on a l'impression d'être devant Le cri de Münch.

Steve McQueen est un grand réalisateur. Tout comme dans Hunger, il malmène son acteur et ses spectateurs, et l'on sort du film estomaqué et mal à l'aise, troublé pas cette immense solitude et cette souffrance. Michael Fassbender n'est pas qu'un homme bien fait, il confirme une fois de plus son talent. Il joue comme personne les hommes troubles et égarés, attisant aussi bien notre désir que notre pitié.

 

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